"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

dimanche 14 juin 2015

FEUILLETS LITURGIQUES DE LA CATHÉDRALE DE L’EXALTATION DE LA SAINTE CROIX


1/14 juin

2ème dimanche après la Pentecôte
Tous les saints qui ont brillé sur la Terre russe

Tous les saints du Mont Athos ; saints martyrs Justin le Philosophe Chariton, Charité, Evelpiste, Hiérax, Péon, Valérien et Justin, martyrs à Rome (166) ; saint Denis, higoumène de Glouchitsa (1437) ; saint Agapet de la Laure des Grottes de Kiev, médecin anargyre (XIème s.) ; saint Justin de Tchélié (1979) ; saint hiéromartyr Basile, prêtre, sainte martyre Vera (1940).
Lectures : Rom. II, 10-16 ; Маtth. IV, 18-23

LA FÊTE DE TOUS LES SAINTS GLORIFIÉS EN TERRE RUSSE
L
e rétablissement de la fête de tous les Saints glorifiés en Russie coïncide historiquement avec celui du patriarcat dans l’Église Russe. Durant la période préconciliaire, le Saint-Synode de l’Église Orthodoxe Russe n’avait pas l’intention de remettre en vigueur la célébration de la synaxe des Saints russes, qui était apparue au XVIème siècle. En 1908, un paysan de la province de Vladimir, Nicolas Gazoukine, demanda au Saint-Synode d’établir une fête annuelle « de tous les saints de Russie » et « d’honorer ce jour avec un office particulier ». Cette requête fut déclinée, le Saint-Synode considérant que la mémoire des Saints russes était déjà commémorée dans le cadre de la fête de tous les saints. Néanmoins, le Concile local de l’Église Russe, en 1917-1918 rétablit cette fête, et ce grâce aux efforts conjugués du professeur de l’université de Petrograd Boris Touraïev et du hiéromoine Athanase (Sakharov), futur confesseur de la foi, canonisé maintenant officiellement. Le premier présenta un rapport le 15 mars 1918 au Concile, dans lequel il mentionnait, entre autres, « qu’à notre triste époque, lorsque la Russie une est déchirée, lorsque notre génération pécheresse voit piétiner les fruits des labeurs des saints qui ont vécu dans l’ascèse dans les grottes de Kiev, à Moscou, dans la Thébaïde du Nord, et  dans l’ouest de la Russie pour créer une seule Église Orthodoxe Russe, il serait opportun de rétablir cette fête oubliée… » Ledit rapport fut examiné par le concile et, enfin, le 26 août, le jour de la fête onomastique du saint patriarche Tykhon, fut prise la décision de rétablir la fête de tous les saints russes, sa date étant fixée au premier dimanche du carême des saints Apôtres. Le Concile décida d’imprimer l’ancien office composé par le moine Grégoire, avec des corrections. Cependant, le professeur Touraïev et le hiéromoine Athanase arrivèrent vite à la conclusion que l’on ne pouvait qu’emprunter une toute petite partie dudit office, et qu’il était indispensable de refaire tout le reste. Encore incomplet, l’office fut présenté  le 8 septembre 1918, à l’avant-dernière cession de la commission liturgique du Concile, qui l’approuva et le soumit au Patriarche et au Saint-Synode qui, après la fin du Concile, donnèrent leur bénédiction pour imprimer le nouvel office, sous la direction du métropolite Serge (Stragorodsky). L’impression fut achevée à Moscou à la fin de 1918, dans de grandes difficultés. Malheureusement, en raison des événements de 1917, la fête rétablie par le Concile a failli tomber dans l’oubli comme cela avait été le cas dans le passé. En outre, le professeur Touraïev décéda en 1920. En automne 1922, le saint hiérarque Athanase (Sakharov), lors de sa première arrestation dans la  cellule N°17 de la prison de Vladimir, rencontra tout un groupe qui partageait ses idées quant à la fête qui avait été rétablie. Selon le témoignage de St Athanase, cette assemblée de détenus, « après nombre de discussions animées au sujet de la fête, de l’office, de l’icône, de l’église dédiée à cette fête, posa les fondements d’une nouvelle révision de l’office imprimé en 1918, avec des corrections et des compléments ». C’est ainsi que l’office connut nombre de changements : on déplaça certains hymnes, des nouveaux saints furent introduits, lesquels n’avaient pas été mentionnés dans la version de 1918. Enfin, dans  le même lieu, toujours en prison, le 10 novembre 1922, alors que l’on commémorait le trépas de St Dimitri de Rostov, auteur des célèbres vies de saints, fut célébrée, pour la première fois, la fête de tous les saints russes. Le 1er mars 1923, dans la cellule n°121 de la prison de Tagansk, St Athanase bénit le premier antimension en l’honneur de tous les Saints de Russie, destinée à sa chapelle privée. St Athanase continua à travailler le texte de l’office de tous les saints de Russie jusqu’à son bienheureux trépas, en 1962.
Tropaire du dimanche du 1er ton
Кáмени запеча́тану отъ Iyде́й и во́иномъ стрегу́щымъ пречи́стое Tѣ́ло Tвое́, воскре́слъ ecи́ тридне́вный, Cпа́ce, да́руяй мípoви жи́знь. Ceго́ ра́ди си́лы небе́сныя вопiя́xy Tи, Жизнода́вче : сла́ва Bocкренію Tвоемý Xpисте́ ; сла́ва Ца́рствiю Tвоему́ ; сла́ва cмотре́нiю Tвоему́, еди́не Человѣколю́бче.
La pierre étant scellée par les Juifs et les soldats gardant Ton Corps immaculé, Tu es ressuscité le troisième jour, ô Sauveur, donnant la Vie  au monde ; aussi, les Puissances des cieux Te crièrent : Source de Vie, ô Christ, gloire à Ta Résurrection, gloire à Ton règne, gloire à Ton dessein bienveillant, unique Ami des hommes!
Tropaire des saints de la Terre russe, ton 8
Я́коже пло́дъ кра́сный Твоего́ спаси́тельнaго сѣ́янiя, земля́ Pоссій́ская прино́ситъ Tи́, Го́споди, вся́ святы́я, въ то́й просiя́вшыя. Тѣхъ моли́твами въ  ми́pѣ глубо́цѣ Це́рковь и страну́ на́шу  Богоро́дицею соблюди́, Многоми́лостиве.
Tel le fruit magnifique de Ta semence salvatrice, la terre de Russie T’offre Seigneur, tous les Saints qui y ont brillé. Par leurs prières, garde dans une paix profonde l’Eglise et notre pays, par les prières de la Mère de Dieu, Très miséricordieux.

Kondakion des saints de la Terre russe, ton 3
Дне́сь ли́къ святы́хъ, въ земли́ на́шей Бо́гу угоди́вшихъ, предстои́тъ въ це́ркви и неви́димо за ны́ моли́тся Бо́гу ; а́нгели cъ ни́мъ славосло́вятъ, и вcи́ святіи́ Це́ркве Христо́вы ему́ спра́зднуютъ, o на́съ бо мо́лятъ вcи́ ку́пно Превѣ́чнаго Бо́гa.
En ce jour, le chœur des saints qui en notre terre plurent à Dieu, est présent à l’église et prie invisiblement pour nous ; les Anges l’accompagnent dans leurs louanges et tous les Saints de l’Église du Christ sont en fête avec Lui ; tous ensemble prient pour nous le Dieu d’avant les siècles.

Kondakion du dimanche du 1er ton
Воскpécлъ ecи́́ я́ко Бо́гъ изъ гро́ба вo сла́вѣ и мípъ coвоскpecи́лъ ecи́, и eстество́ человѣ́ческое я́ко Бо́гa воспѣва́ет Tя́, и сме́рть изчезе́ : Aда́мъ же лику́ет, Влады́ко, Éва ны́нѣ отъ у́зъ избавля́ема ра́дуется зову́щи : Ты́ ecи́ и́же вcѣ́мъ подая́, Xpисте́ Bocкреніe.
Ô Dieu, Tu es ressuscité du Tombeau dans la gloire, ressuscitant le monde avec Toi ! La nature humaine Te chante comme son Dieu et la mort s’évanouit. Adam jubile, ô Maître, et Ève, désormais libérée de ses liens, Te crie dans sa joie : « C’est Toi, ô Christ, qui accordes à tous la Résurrection ! »

VIE DE SAINT JUSTIN DE TCHÉLIÉ

Le père Justin Popovitch naquit  le 25 mars 1894, jour de l’annonciation, à Vranié, dans le sud de la Serbie. Son père Spyridon et sa mère Anastasie lui donnèrent le nom de Blagoïé, dérivé de Blagovest, c’est-à-dire « annonciation ». L’autre source de formation spirituelle et de piété du jeune Blagoïé fut, dès l’âge de quatorze ans et jusqu’à la fin de sa vie terrestre, la lecture régulière de l’Évangile du Christ. Il s’était imposé une règle, qu’il recommandait aux autres, et qu’il observa jusqu’à la fin de sa vie : lire quotidiennement trois chapitres du Nouveau Testament.

Par nature ami de la sagesse, affamé et assoiffé de connaissances divines et humaines, le jeune Blagoïé entra au séminaire de St Sava à Belgrade (1905-1914) où il eut pour professeur le saint hiérarque Nicolas Velimirovitch. Aspirant à la vie monastique, Blagoïé déclina les propositions de mariage, et souhaitait devenir moine dès qu’il aurait achevé ses études au séminaire. Comme il le disait lui-même, « le monachisme est la meilleure résolution des problèmes personnels ». Toutefois, ses parents s’y opposèrent et supplièrent le métropolite Dimitri, futur patriarche de Serbie, de ne pas tonsurer le jeune homme. A cette époque, la première guerre mondiale commençait, et le jeune Blagoïé fut affecté à l’unité des jeunes infirmiers. Après avoir été atteint par le typhus, dont il fut guéri, il regagna immédiatement son unité et se retira avec l’armée serbe au Monténégro, puis en Albanie, jusqu’à Skadar, à la fin de 1915. Ayant survécu à cette terrible épreuve, qui avait encore affermi sa foi profonde, il réalisa son souhait. Il vint trouver le métropolite Dimitri et parvint à le convaincre que, désormais, ses parents seraient contents de le retrouver en vie, même comme moine… Le métropolite accepta et Blagoïé reçut l’habit monastique avec le nom de Justin en l’église de Skadar, le jour de la St Basile 1916. Le choix du nom de Justin, le martyr et le philosophe, n’était pas fortuit : il était l’expression de son double amour envers le Christ : pour la philosophie selon le Christ, et pour le martyre pour le Christ.

Depuis Corfou, avec un groupe de jeunes séminaristes de l’Église Serbe, il fut envoyé à Petrograd, en 1916, par le métropolite Dimitri et le roi de Serbie, pour continuer ses études théologiques. En Russie, il fit connaissance de la piété russe. En raison de la révolution bolchevique, il quitta la Russie et poursuivit ses études à Oxford (1917-1919), où il prépara une thèse sur Dostoïevski, qui l’avait toujours profondément impressionné. Exposant dans sa thèse le regard critique de l’écrivain sur l’humanisme et l’anthropocentrisme occidentaux, le père  Justin se vit imposer par les professeurs anglais des modifications qu’il ne pouvait accepter, considérant que cela eût été contraire à la vérité, et il préféra partir sans diplôme. Durant toute sa vie, à partir du moment où ses convictions touchaient le salut de l’homme comme l’enseigne l’Église Orthodoxe du Christ, il ne connaissait pas le compromis, même s’il devait en pâtir à tire personnel. Il rentra en Serbie ensuite pour être enseignant au séminaire de Sremski Karlovtsi. De là, il partit à Athènes, où il obtint un doctorat de l’Université en théologie patristique orthodoxe, sur le thème du « problème de la personne et de la connaissance selon St Macaire d’Égypte ».

Dès cette époque, sa vie de prière était intense, comme on peut le constater à lecture du journal qu’il tenait, et que l’on a retrouvé après son trépas : chaque jour, de 500 à 1000 métanies, et de 1000 à 2000 prières de Jésus. Pendant le Grand Carême, ces nombres croissaient, pour atteindre le Vendredi Saint 3200 métanies et 1800 prières de Jésus. « Malheur », disait-il, « à chaque pensée qui ne se transforme pas en prière !». En 1922, après s’y être d’abord opposé par humilité, il fut ordonné prêtre par le patriarche Dimitri. Pendant l’ordination, il pleura devant l’autel comme un petit enfant, se jugeant indigne du grand mystère de la prêtrise.

Plusieurs années, le père Justin fut enseignant au séminaire de Sremski Karlovtsi, où il enseignait l’exégèse de la Sainte Écriture. Dès son arrivée au séminaire, il demanda que les vies des saints fussent introduites comme matière régulière dans le programme d’enseignement. « Qui n’enseigne pas la vie éternelle », disait-il, est un « pseudo-éducateur ». 
(à suivre)

LECTURES DU DIMANCHE PROCHAIN : Matines : Marc. XVI, 9-20
Liturgie : Rom. V, 1-10 ; II Tim. 2, 1-10 ; Matth. VI, 22-33 ; Matth. X, 16-22



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