"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

lundi 5 août 2013

Le Saint Staretz Tavrion de Riga (1898-1978) (5)






Résistance

Sans jamais ouvertement s’opposer aux autorités soviétiques, le Père Tavrion ne leur cédait en rien. Par exemple, en 1977, pour le soixantième anniversaire de la révolution, on avait ordonné à toutes les églises de célébrer des offices d'intercession pour le bien-être des autorités. Ces offices furent célébrés et des sermons prêchés dans toutes les églises. Le staretz marqua l'événement avec le plus bref des sermons: «Donc, vous voyez combien il est bon, très tôt le matin, que nous glorifiions Dieu à la Divine Liturgie. Mais que font-ils maintenant dans les villes? Ils crient « Gloire ! Mais gloire à qui? » Bien sûr, il ne célébra pas d’offices d'intercession.
Pourquoi le gouvernement toléra-t-il l'existence d'un tel monastère? Il y avait plusieurs raisons:
Tout d'abord, il y avait l'extraordinaire capacité du père Tavrion de parler aux représentants du gouvernement. Un jour, le staretz fut soudainement convoqué à Moscou. Tout le monde était bouleversé et pleurait. Ils pensaient qu'ils ne le reverraient jamais plus. Il fut interdit à quiconque de voyager avec lui. Cependant, une moniale, qui jusque-là avait fortement détesté le staretz et avait même porté plainte contre lui auprès de l’higoumène, était maintenant plus bouleversée que quiconque et secrètement elle partit dans le même train que le père Tavrion.
L'accusation contre le père Tavrion était complètement ridicule. Apparemment, certains pèlerins s’étaient plaints que le staretz avait pris de l'argent de leur part pour des commémorations et ne leur avait pas donné un reçu. L'idée du KGB était que le staretz se troublerait, serait incapable de répondre et qu’il serait alors arrêté. Cependant, comme s'il s'attendait à leur plan, il fit semblant d'être un fonctionnaire soviétique exemplaire: «Bien sûr. J'ai apporté exprès tous les livres de comptes avec moi, s'il vous plaît, vérifiez. » Et ils dûrent le laisser partir.
La deuxième chose qui a préservé le couvent était l'argent. Trois diocèses (Lettonie. Lituanie et Estonie) étaient soutenus financièrement par d'immenses sommes venant de toute la Russie. Les moniales ont raconté que des camions entiers de farine de sarrasin, etc étaient envoyés au monastère voisin de Piukhtitsa en Estonie. Tous les chauffeurs de taxi connaissent le couvent et conduisaient joyeusement «au petit staretz qui donne beaucoup.»
En général, le staretz réussissait à obtenir tout ce dont avait besoin le Couvent des autorités avides d'argent. Par exemple, en Union soviétique, il était interdit de construire des églises ou autres bâtiments dans les monastères et les couvents. Le staretz, selon ses propres termes, «avait l’habitude d’attendre des occasions favorables». Il invitait les fonctionnaires et, tout en leur donnant quelque chose à manger, disait qu'il avait besoin de construire un établissement de bains. Les Lettons, qui étaient très propres et soignés, donnaient l'autorisation pour un établissement de bains et la construction commençait. Inaperçu, un deuxième étage était ajouté à la petite maison de bains, où les pèlerins pouvaient passer la nuit. De la même manière un réfectoire et une cuisine gigantesque furent construits sur le bûcher.
La troisième raison pour laquelle la vie du couvent était paisible était l’exceptionnellement bonne attitude de l'évêque diocésain envers le staretz. Le staretz n’enseignait jamais aux gens la haine des communistes, mais la haine de l'esprit communiste, l'esprit de l'Antéchrist. Ainsi, quand les gens venaient au couvent des paroisses modernistes, il les réprimandait beaucoup plus qu’il ne le faisait pour les communistes, dont les mères et les épouses venaient souvent en visite.
Un jour les deux artistes qui faisaient de l’art abstrait sont venus. Le staretz ne leur dit rien pour eux personnellement, mais dans son sermon du soir (il donnait le sermon deux fois à la Liturgie, une fois après l'Evangile, une fois à la fin du service, puis deux fois dans la soirée), il déclara: «Nous devons garder les règles de l'Église sur la manière de recevoir la Communion, comment jeûner et ainsi de suite. Mais si vous ne voulez pas les garder, alors que dois-je, moi  prophète, vous dire? Et en regardant directement les artistes, il a presque crié. «Hors de l'église. L'un d'eux est parti le lendemain, l'autre resta un peu plus longtemps, mais il respecta toutes les règles du couvent. Lorsque, dans ses dernières années, le staretz reçut des lettres de ces modernistes, il  grogna presque: «Brûlez les lettres, brûlez-les! Ayez pitié de moi, je suis malade, je n'ai pas le temps. » Mais en même temps, pour les lettres de gens simples, croyants ou qui voulaient croire, il avait à la fois la force et le temps de répondre.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


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