"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 20 novembre 2012

La Vie spirituelle: Conversation avec le Père Gabriel (BUNGE) de Suisse



La conversation suivante avec l'Archimandrite mégaloschème Gabriel (Bunge), auteur  patristique réputé de la skite de Sainte-Croix en Suisse, a eu lieu lors de sa visite à Moscou au début de Novembre 2012


Père Gabriel, quelle est pour vous est la chose la plus précieuse dans la communication avec une autre personne?

Cela dépend de la profondeur de la communication. Pour parler en termes généraux, c'est merveilleux quand les gens sont en mesure de trouver un langage commun les uns avec les autres. Si nous voulons parler des autres aspects de la communication, alors la chose la plus précieuse, c'est quand on peut trouver l'image de Dieu dans une autre personne. Nous avons tous été créés à l'image de Dieu, dans le sens absolu, cette image est le Christ. Si nous pouvons trouver cette image dans une autre personne, alors cela devient la chose la plus précieuse qu'il peut y avoir dans la communication, ce qui est aussi à la base de la véritable amitié. Autrement dit, pas seulement une sorte de sympathie humaine naturelle, mais la reconnaissance de l'autre comme étant à l'image de Dieu.

Combien de fois, et à quelle fréquence, lisez-vous l'Ecriture sainte?

J'ai commencé à lire l'Écriture sainte très tôt, bien avant mon entrée au monastère. Plus tard, par conséquent, il me semblait tout à fait naturel que dans le monastère nous lisions l'Écriture quotidiennement, à la fois pendant les offices divins et dans nos cellules. Je suis moine depuis cinquante ans déjà. Maintenant, après avoir simplement mémorisé de nombreux textes, souvent je les contemple. Cela permet à un sens plus profond de s'ouvrir que ne peut être obtenu au cours d'une simple lecture. On peut lire un texte de 100 ou 1000 fois et ensuite on peut le lire une fois et voir tout à coup qu'on ne l'a jamais vraiment lu une seule fois, car une nouvelle profondeur s'est ouverte à nous qui ne l'avions jamais eue auparavant. Le texte de l'Écriture sainte est comme un puits sans fond.

Il est dit que l'on doit lire l'Ecriture Sainte dans une disposition particulière. Est-ce un bon conseil?

Naturellement! Certains saints Pères disent que l'on ne peut lire l'Evangile qu'à genoux. Ce livre ne devrait pas être lu comme un texte ordinaire. Autrement dit, si on lit la Bible comme un livre ordinaire, alors la révélation ne sera pas correctement perçue.

Qu'est, précisément, cette disposition particulière? Comment peut-on l'expliquer à quelqu'un qui commence tout juste à lire la Bible?

Cette disposition est le désir d'entendre la Parole de Dieu, et non pas simplement la curiosité ou le désir d'acquérir des connaissances. Bien sûr, l'étude formelle des textes bibliques - étude philologique, par exemple, ou d'autres types - a son fondement. Mais à un certain moment il faut mettre tout cela de côté et recevoir la Parole de Dieu telle qu'elle est. La Bible elle-même explique. Comme on dit, la Lumière n'a pas besoin d'autre lumière pour être ce qu'elle est.

Dans notre tradition ecclésiastique, les personnes qui se sont occupées de théologie étaient ceux qui avaient une expérience personnelle de la communion avec Dieu et de la prière. Mais comment peut-on être étudiant dans un département de théologie d'aujourd'hui, que ce soit dans une église ou une institution laïque? Après tout, le système éducatif et le calendrier académique n'impliquent en aucun cas d'avoir un instructeur spirituel, par exemple, qui pourrait transmettre cette expérience ou conduire à elle.

Quelqu'un qui étudie la théologie sans la vie spirituelle ne comprendra rien. En Occident, il y a des professeurs de théologie qui sont non-croyants, il y a même des prêtres qui ne croient pas en Dieu, qui considèrent leur ministère comme un travail, comme un moyen de gagner de l'argent. Cela peut sembler improbable, mais j'ai la preuve que c'est bien le cas. Gloire à Dieu, je n'ai jamais rencontré ces gens-là, mais mes amis ont eu l'expérience de traiter avec eux. 
Les évêques que je connais disent qu'ils ont des prêtres qui ont perdu leur foi et ne servent que parce qu'ils ont besoin de gagner leur vie et de soutenir leur famille. C'est la fin.

Pour que cela ne se produise, il faut apprendre des Saints Pères. Ils étaient très instruits en termes laïcs: c'étaient des rhéteurs et des philosophes qui connaissaient la littérature et les langues. Mais cette connaissance était simplement un instrument pour eux. Les Pères eux-mêmes menaient des vies spirituelles très profondes.

La présence de la connaissance ne signifie nullement que l'on comprend correctement l'Ecriture, la question est de savoir comment utiliser cette connaissance. Nous savons que la théologie arienne était entièrement fondée sur la Bible. Quand il a tenté le Christ, Satan a cité l'Écriture Sainte - c'est à dire qu'il connaissait ces textes, les citant non pas pour pénétrer leur sens, mais pour les déformer et les tourner à l'envers. Le meilleur moyen d'abuser de l'Ecriture Sainte est de ne citer que les versets à moitié, et non des versets complets.

Peut-on apprendre à prier? D'une part, ils disent que l'on doit apprendre, et, d'autre part, que la prière est un don de Dieu et, par conséquent, que l'on ne peut pas spécialement l'acquérir par sa propre volonté.

Dans son traité sur la prière, Évagre le Pontique dit que Dieu accorde la prière à ceux qui le demandent. Si quelqu'un ne demande pas, il ne recevra pas. Le meilleur professeur de la prière est la prière elle-même.

Vous avez été un moine depuis cinquante ans et ermite pendant trente-deux ans. Vous avez maintenant venu en Russie, à Moscou. Quelles sont vos impressions après ce que vous avez vu?

La première chose que je vois, c'est un changement incroyable dans la société.

Je suis familier avec l'Eglise de la Joie de tous les Affligés de la rue Bolchaya Ordynka depuis 1968. L'église était alors dans un état lamentable, elle ressemblait à une boîte de conserve. J'y ai passé Pâques cette année-là, alors que j'étais un jeune moine. Il était impossible d'entrer dans l'église, parce que les femmes se pressaient et se bousculaient tellement que j'ai dû aller à l'extérieur. Pendant la procession dix ou quinze ivrognes se levèrent et commencèrent a à insulter et à ridiculiser les fidèles, de sorte que le cortège devait courir autour de l'église au galop.

Ces dernières années, je suis venu à Moscou dans cette église plus souvent, et je vois que l'église a été ressuscitée et restaurée. En semaine - par exemple, je suis venu ici un mardi - l'église est pleine de fidèles. Et dans la nuit de Pâques, même la circulation s'arrête afin de permettre à la procession de passer.

Pour moi, les églises et les monastères restaurés sont des symboles de la renaissance de la Russie. Pour le moment, ce sont des points individuels sur la carte, mais ces exemples montrent que le peuple russe est capable d'accomplir beaucoup quand ils s'y mettent. Il y a de nombreux monastères en Russie; nous croyons, espérons, et avons confiance que le sang des martyrs est la semence de l'avenir de l'Eglise russe.

Je pense que ces points sur la carte, au sens figuré, s'élargiront. En conséquence, la société peut guérir. Et cette guérison est nécessaire, parce qu'en Russie il n'y avait pas seulement eu la destruction des églises, mais, plus important encore, il y eu une destruction morale. Je ne serais pas surpris d'apprendre que ces voyous des années soixante vont désormais aller dans cette église.

Entretien réalisé par Olga Bogdanova avec l'aide de Vasily Tereshchenko

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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